J’avais rien de particulier à raconter
cet aprem mais comme je ressentais quand même une envie persistante d’écrire,
j’ai allumé mon ordi et ouvert presque machinalement ce fichier word, tout ça
après avoir griffonné quelques dessins relativement laids dans mon vieux
moleskine rouge au rythme des coups de tonnerre qui s’abattaient au loin.
Depuis quand le fait de ne rien avoir de singulier à relater devrait-il
empêcher d’écrire, je vous le demande ? Vous avez déjà vu bien pire avec moi
qui vous abreuve sans états d’âme et depuis maintenant neuf mois de pavés
indigestes, de pages et de pages noircies de mes pensées et de mes bien minces
coups d’éclat – vous qui venez me lire régulièrement êtes donc un peu
masochistes sur les bords, mais pourtant je vous apprécie tous autant que vous
êtes. Pourquoi ? Tout simplement parce que votre présence, même
silencieuse et anonyme, rassure une étrange part de moi-même. La sensation de
se savoir lue est de fait aussi agréable et flatteuse qu’apaisante ; et il
se trouve que j’ai bien besoin d’être rassurée en ce moment. Je sais que c’est
égoïste mais j’ai plus que jamais besoin de repères ces derniers jours où tout
ce que je connaissais et appréciais dans ma vie semble pour de bon voler en
éclats : mes amis, ma famille, mon foyer, rien de tout cela ne semble
durer, rien de tout cela ne semble destiné à se perpétuer, et ça fait toujours
mal de l’admettre et de "tourner la page". Si certains les adorent et
les recherchent, j’ai quant à moi toujours détesté les changements trop brutaux
car au fond ils me blessent plus profondément qu’autre chose – ce sont des
entailles au saignement infini, des heurts si profonds qu’ils en deviennent
inguérissables. Chose regrettable s’il en est... je ne suis définitivement pas
de celles et ceux qui se lanceraient volontiers à l’aventure un beau jour en
laissant tout derrière eux sans se retourner une seule fois, sans le moindre
remord. Je suis indéniablement de celles et ceux qui ont besoin de beaucoup de
temps pour mûrir une réflexion et pour parvenir au bon choix. Un camp contre
l’autre : celui, progressiste, de l’avancement, contre celui, rétrograde,
de la stagnation de l’esprit. La rapidité contre la lenteur. Au bout du premier
camp, en guise de récompense, l’épanouissement et le bonheur ; au bout du
second, en guise de châtiment, les prises de tête... et les cachets de
doliprane. S’il ne l’a pas encore fait, que chacun choisisse donc soigneusement
et maintenant son camp en toute âme et conscience.
J’ai plus de souvenirs
que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à
tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets
doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux
roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets
que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un
immense caveau,
Qui contient plus de
morts que la fosse commune.
– Je suis un
cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords
se traînent de longs vers
Qui s’acharnent
toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux
boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un
fouillis de modes surannées,
Où les pastels
plaintifs et les pâles Boucher,
Seuls, respirent
l’odeur d’un flacon débouché.
Je ne serai à l’évidence jamais
quelqu’un d’épanoui et de parfaitement heureux. Parce que je garde toujours
tout en moi, le moindre souvenir, la moindre pensée intime, le moindre
problème, je sais pertinemment que je ne parviendrai nullement à me confier un
jour aisément à qui que ce soit. J’ai tellement de mal à faire confiance aux
autres que je préfère dès lors m’imprégner de chaque chose qui soit afin de la
garder précieusement enfouie au plus profond de mon être, enfouie et semblable
à un immémorial souvenir dont l’ombre fugace me hante plus qu’elle ne me berce.
Les souvenirs font mal. Ces souvenirs-là, en particulier, font mal. La raison
pour laquelle chacun cherche à les oublier m’apparaît maintenant comme évidente
et limpide – c’est même une douche glacée que de la réaliser et de l’admettre
enfin. "La conscience de l’humanité est toute propension vers le compromis
et l’oubli", disait Giraudoux. Il avait même tellement raison en
ajoutant que "le bonheur n’a jamais été le lot de ceux qui
s’acharnent". Tellement raison, putain. Au lieu de tirer les leçons des
événements survenus, les gens préfèrent oublier lesdits événements et enterrer
le passé en pensant naïvement pouvoir aller mieux quand en vérité ils
commettent de nouveau les mêmes erreurs stupides ; des erreurs qui les
conduiront une fois encore à un aveuglement vain. Mais tout cela est en un sens
inéluctable. On ne peut pas l’empêcher. Parce qu’au fond, on le fait tous plus
ou moins volontairement... et plus ou moins consciemment.
Rien n’égale en longueur
les boiteuses journées,
Quand sous les lourds
flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la
morne incuriosité,
Prend les proportions
de l’immortalité.
– Désormais tu
n’es plus, ô matière vivante !
Qu’un granit entouré
d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond
d’un Sahara brumeux ;
Un vieux sphinx ignoré
du monde insoucieux,
Oublié sur la carte,
et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux
rayons du soleil qui se couche.
Je me reconnais assez dans cet article.
RépondreSupprimerEn tout cas, c'est toujours un plaisir de te lire !!!!
<3 Quand je te dis que nous sommes liés héhé.
SupprimerJe fais parti de ces anonymes qui te lisent très régulièrement. J'aime ta manière d'écrire et puis parfois je me reconnais aussi dans ce que tu écris - comme dans cet article -du coup je viens presque tous les jours voir s'il y a de la nouveauté. Bonne continuation!! :)
RépondreSupprimerTon commentaire me fait plaisir Gwénaël !
SupprimerTu viens presque tous les jours ici ? Eh ben. Tu es bien courageuse. x)
Bonne continuation à toi aussi ! et à bientôt ! :)
Oh mais de rien. :)
SupprimerOui je viens tous les jours, d'ailleurs, dommage qu'il n'y ait pas plus souvent des articles. :B
Est ce que les livres que tu lis en ce moment sont liés au programme de Term L de l'année prochaine ou c'est un pur hasard ? Car je passe en Term L et dans les lectures proposées il y a L'Ecume des jours, Ubu roi, Alice au pays des merveilles.. Or tu passes en ES c'est ça ? :)
*Term ES, pardon !
SupprimerHihi oui j'ai pas toujours le temps d'écrire, et mon côté perfectionniste me pousse à ne publier que des articles que je juge "potables" ;) (d'autant plus que je tape toujours tout d'une traite)
SupprimerPur hasard ! :o Je lis les livres qui me tombent sous la main et/ou qui me font envie. D'autant plus qu'en TES il n'y a plus de français..
OH MON DIEU. Cet article est slpendide. Je me reconnais énormément dans ce que tu écris là. Je crois que le spleen nous suit partout, quoi que l'on fasse, dise ou pense. C'est ancré dans notre esprit, dans notre chair.
RépondreSupprimerQuel plaisir de te lire. Et j'adore ce poème de Baudelaire, un de mes préférés :)
Merci <3
SupprimerJe suis tellement d'accord avec ce que tu dis là. J'ai aussi l'impression que quoi que je fasse, le bonheur ne durera jamais longtemps. (mais comme on est plus inspiré quand on est déprimé.. faut voir le bon côté de la chose haha)
Aussi un de mes préférés, même si d'habitude je ne raffole pas de la poésie !
Merci beaucoup, c'est adorable <3
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