“Because I know there are people who say all of these
things don’t happen. And there are people who forget what it’s like to be
sixteen when they turn seventeen. I know these will all be stories someday, and
our pictures will become old photographs, and we’ll all become somebody’s mom
or dad. But right now, these moments are not stories. This is happening. I am
here. I can see it, this one moment when you know you’re not a sad story. You
are alive.”
- The perks of being a wallflower
Ecrit le jeudi 6 juin
2013
J’ai
terminé le lycée, hier midi. C’était un beau jour de printemps, assez comme je
l’avais imaginé depuis des mois de cela, un jour ensoleillé, sec et chaud, mais
à mille lieux de mes prédictions des semaines passées. J’avais en effet déjà
maintes fois imaginé comment se déroulerait ce jour-là, à vrai dire je m’étais
demandée comment tout ça se clôturerait : je me suis toujours vue
finissant le lycée en un grand tourbillon de sentiments ; dans une de ces
euphories mêlée d’une tristesse qui vous saisit à la gorge, au ventre, vous
noue l’estomac – dans une tempête d’embrassades, de pleurs et de rires épars s’éparpillant
dans l’air frais d’une fin de matinée de juin. Il était onze heures trente hier
lorsque, dans le soulagement total, s’est achevé mon dernier cours, et, à
l’instant où ma prof s’est tue, je n’ai pas ressenti grand-chose – ou plutôt si :
je me suis sentie vidée de tout sentiment. Atone. Indifférente. J’ai idéalisé,
je crois, ce qui en vérité n’avait pas vocation à l’être : une fin comme
une autre, qui tend à accomplir l’ordre normal et naturel des choses.
La
semaine qui vient de passer a chamboulé tous mes repères ; je dois avouer ici
que je ne sais plus trop ni où j’en suis ni où je vais. Avant, l’avenir, la vie
d’adulte, ces trucs-là, c’était un chemin lointain et sinueux, totalement
étranger et aux embrumes pas particulièrement engageantes. Je ne me souviens n’y
avoir pensé qu’à de rares moments de ma vie, lorsque j’ai dû faire des choix concrets, comme cette année, par exemple,
sous la contrainte d’APB, du fameux, sous la contrainte de l’échéance ;
lorsque j’ai dû choisir entre rester chez moi et tenter l’aventure solitaire
dès septembre. Je me souviens m’être questionnée péniblement, sans trouver de grande
réponse évidente, de celles qui se seraient imposées en un claquement de
doigts ; je me souviens avoir peiné, fatigué… et abandonné mes chimères. Je
me souviens avoir rêvé de voyages, avoir voulu partir, m’évader, m’octroyer une
année sabbatique aux Etats-Unis, en Australie, à l’autre bout du monde ; aujourd’hui,
pourtant, je retrousse mes manches et j’emprunte ce chemin sinueux le pas droit
et conquérant. Au final j’ai rêvé plus raisonnablement, en effet, j’ai rêvé de
Paris, de la ville lumière, de prestige, j’ai postulé en HK, et puis en
droit, un peu partout, et puis j’ai passé mes concours, les ai eus, ou presque – j’ai été
admissible dans une "grande école" dont je tairai le nom ; j’en ai passé l’oral vendredi dernier. Je ne sais pas
trop comment ça s’est passé. J’ai le sentiment, dans le fond, d’avoir été
réfléchie, d’avoir assez bien répondu aux questions qui m’ont été posées ;
en revanche j’ignore quelle impression j’ai bien pu leur laisser de moi. Je m’en
souviens, à 9h30, je suis ressortie de la salle le souffle court, retenant un
cri de soulagement, et j’ai marché, marché, marché tout le long de cette rue de
l’Université, jetant mes pensées en un coin reclus de mon cerveau, et j’ai
poursuivi et terminé aux Halles, âme errante, insignifiante, dans le grondement
continu de la foule.
"Arrête de penser.
Arrête, putain."
Maintenant
la machine est en marche, la mécanique enclenchée – je passe le bac dans
dix jours. Je ne suis pas ce genre de personne qui s’attarde par toutes
occasions en d’interminables bilans d’événements passés même si j’aimerais, en
l’occurrence, avoir la force, le courage d’en tirer un maintenant. Comment
résumer une année au cours de laquelle je confesse avoir si peu écrit, avoir
abandonné ces pages-ci au profit de bien d’autres choses dont j’ignore
s’il y aurait même un intérêt à les énumérer toutes ici ? Il me semble que la moi
de juin 2013 est une parfaite inconnue pour celle de septembre 2012. Que me
conseillerais-je, si je pouvais retourner dix mois auparavant dans le
passé ? D’être forte, déjà. D’oser avancer. De moins me préoccuper de ce que
pensent les autres. Cette année a certainement été l’une des plus intenses de
ma scolarité, l’une des meilleures ; l’une des plus éprouvantes, aussi, à quasi tous les
niveaux, mais enfin et surtout la plus rapide. Aujourd’hui les mois me
paraissent s’être envolés inexorablement, insidieusement ; la valeur du
temps qui passe est ce dont je ne me suis rendue compte qu’à la toute fin. A
l’aube de parachever symboliquement ce chapitre de ma vie je me retourne sur
moi-même, et, à mon habitude, comme face à un miroir, démêle ce qui est un
succès de ce qui ne l’a vraisemblablement pas été.
Et
c’est difficile, justement, de trouver cette force-là – la force de regarder la
vérité en face, de constater et d’apprendre de ses erreurs puisque cela
revient, en somme, à se remettre en question soi-même, méthodiquement et
douloureusement. C’est parfois une claque à l’ego, non, c’est même souvent une claque à l’ego ; alors on souffre,
on enrage, éventuellement on guérit mais fondamentalement on en retire toujours
quelque chose. Il y a bien sûr des choses, autres, que l’on aimerait pouvoir
corriger ; on le voudrait de tout son cœur, mais peut-être, se dit-on, que
si elles ne s’étaient pas déroulées telles quelles, alors on n’en serait pas
arrivé où l’on se trouve à l’heure actuelle. Et ça, ça aurait été dommage, au final, de ne pas l’avoir vécu ainsi
car j’ai l’impression intime qu’en vérité vouloir remuer le passé c’est renier
le présent, c’est renier, même, la personne qu’on est devenu… la personne que
je suis devenue.