vendredi 30 août 2013

Mamma mia

J'en ai fini de me morfondre ici : je crois que je suis heureuse. Finalement. J'ai passé un été pour le moins relaxant, j'ai beaucoup réfléchi aussi – j'en ai enfin pris le temps. Londres était formidable, c'était prévisible. J'en ai ramené des souvenirs à la pelle, des vêtements de Shoreditch, des breloques de Camden, des jupes de Topshop et j'en suis revenue des étoiles plein les yeux. Nooon... je ne veux pas aller à Paris, laissez-moi iciiii, une petite place au King's College ça devrait se trouver... Ce n'était pas la première fois que j'y allais, ni la deuxième, ni la troisième, c'est que je deviens une habituée. Mais je ne me lasserai jamais de cette ville et pour cause, j'y trouve tout ce que j'aime : de l'excentricité, de la tolérance ambiante, des écureuils gris tout sautillants, des scones, des salons de thé, des marchés, des bus à l'impériale, des artères grouillantes de vie, de la... politesse de la part des gens. Chose qui semble rare à Paris.

Je déménage dans trois jours, j'entre en HK dans cinq. Le compte à rebours est bel et bien enclenché. Je ne réalise pas à quel point ma vie va changer, c'est ce que je me suis dit en arpentant Fleet Street l'autre jour, je me laisse porter par le courant sans réfléchir. Je ne m'y débats même plus, non, j'attends de voir où ledit courant me mènera. Ma valise n'est toujours pas prête, je ne l'ai même pas encore remontée de ma cave. Je ne sais pas quels livres emporter, je ne sais pas quels tee-shirts, quels jeans choisir ; la simple vue de mon étagère vidée de son contenu me fend le cœur. J'ai l'impression de me déraciner. Je suis pleine de doutes mais fondamentalement heureuse, éternel paradoxe. J'aime les matières que je vais étudier. J'aime mon futur lycée, son architecture centenaire et emplie d'histoire, ses longs couloirs solennels, sa porte d'entrée boisée, gigantesque, impersonnelle, qui m'a me fait me sentir minuscule la première et dernière fois que je l'ai franchie – c'était en juillet. Bac en poche, obtenu avec une moyenne pas trop dégueu et les félicitations du jury, je m'en étais allée conquérante à la capitale finaliser mon inscription. Choix d'options, de langue ancienne, j'ai mis du temps à me décider mais je suis restée classique, finalement. Latin, géo, LV2, j'étais fin prête le jour J. J'ai rendu mon dossier avant de filer sur les quais de Seine, ce jour-là. Il faisait beau, j'ai mangé McDo, ça ne pouvait être que parfait. Le sentiment de sérénité du devoir accompli. Quartier latin, je t'aime déjà.

Je déménage dans trois jours, j'entre en HK dans cinq. Je mentirais si je disais ne pas avoir peur. J'ai peur, oui. De rater. De pas être faite pour la prépa. Je ne veux pas vivre uniquement pour mes études, je ne veux pas tourner autour d'elles, je ne veux pas passer mon entière vie le nez dans les bouquins. Je veux autre chose aussi à côté, je veux reprendre la danse, je veux vivre, continuer à sortir, à aller à des concerts, je veux ma dose pour souffler. Je ne tiendrai pas sans, alors je ne sais pas comment encore mais je me la ménagerai, cette bulle. Je m'en fais la promesse. J'ai choisi ces études non pas pour y souffrir constamment mais pour m'y épanouir et réussir – être autre chose qu'une copie de concours. Petite idéaliste que je suis. Fidèle à moi-même.
Je suis allée me promener dans mon nouveau quartier mercredi. Provinciale fraîchement débarquée, au moins je ne me suis pas trompée de ligne et j'ai fièrement débarqué claquant mes talons dans l'Ouest déserté de la capitale. Le coin est spécial, le nombre de crottes de chiens y est plus élevé que partout ailleurs dans Paris – conséquence du nombre de vieilles riches qui y promènent leur sale petite bestiole chouchoutée dans les meilleures cliniques vétos de la ville. "Oh et puis les gens n'auront qu'à faire attention à là où ils mettent les pieds, right ?"
Je me fais à l'idée de partir dans le fond. Je ne suis pas une exilée, je ne pars pas à l'autre bout du monde, ce départ, ce n'est que la fin d'une ère. D'une période. Et je suis dans l'entre-deux. Dans l'expectative pure et simple.

jeudi 29 août 2013

Looking in the black mirror

C'est drôle quand même cette tendance que nous avons, notamment lorsque nous en venons à l'heure des bilans, à séparer inconsciemment nos souvenirs, à les démêler pour in fine tout simplement occulter les mauvais des bons. Pouf, comme ça c'est fait et on ne s'en rend pas compte. On ne veut pas garder ces choses qui entachent notre bonheur, ces idées noires que nous avons broyées, ressassées quand ça n'allait pas bien, non, on veut juste le bon, le bien ; le meilleur de nous-mêmes. Je suis moins amère que lucide et ayant cette impression étrange que nous passons notre temps à nous rouler littéralement dans la mauvaise foi. Nous nous y blottissons parce qu'elle est plus confortable ; ainsi débarrassés, engourdis dans les doucereux mais salvateurs volutes de nos propres mensonges, nous avons une meilleure image de notre personne, une image taillée sur mesure, pour nous et par nous. Nos actes honteux passent à la trappe, nos moments de tristesse, aussi, parce qu'à défaut d'être embarrassés par eux ils nous sont cette fois trop douloureux. C'est nécessaire à notre survie. J'appelle ça se mentir à soi-même, et le mensonge, ce mensonge, est nécessaire à notre survie individuelle et collective. Je préfère au refoulement freudien la vision terre-à-terre et fondamentalement plus cruelle à notre égard de Sartre. Nous avons notre part de responsabilité dans l'affaire bien que le plus souvent, nous opérions ce balayage sans le réaliser d'un iota, tout du moins sans le réaliser sur le coup - après coup c'est une autre histoire. Lorsque je tente de me souvenir de telle ou telle période, lorsque j'énumère mentalement les événements passés, beaucoup manquent à l'appel : les petits désagréments, les grands même, je les oublie, j'en ai la fâcheuse tendance, oui, et ce dont je me rappelle au final, passablement frustrée du constat, ce sont ces moments glorieux, lorsque tout me souriait. Il n'y a rien eu d'autre que du bonheur dans ma vie ? Du reste les détails sont flous, les contours distants. Encore une histoire de double conscience...

J'aimerais en un sens me souvenir de tout. Pour avancer, apprendre de mes erreurs, ne pas me pardonner quand je n'ai pas à l'être. Parce que des erreurs, j'en commets tellement... Or assumer ensuite mes échecs m'est insupportable. Je les ressasse constamment, j'ai envie de me foutre des claques pendant tout ce temps, de hurler, de tout casser autour de moi. Avant de me calmer brutalement, éreintée par l'effort qu'exige la rage qui est retenue, j'en deviens colérique, aigrie, je simule l'état d'esprit sain pour continuer à être sortable ; non par-dessus tout je n'aime pas l'échec, je ne veux pas de lui dans la mesure où j'ai le sentiment particulièrement égocentrique qu'il me rabaisse au lieu de m'enseigner quelque chose. Petite, les donneurs de leçons, les grands moralistes bien-pensants, je les haïssais déjà du plus profond de mon être : j'aime être celle, en effet, qui s'administre sa propre morale. Et pourtant, voilà mon paradoxe... Ce fait de pouvoir établir les principes qui doivent réguler sa vie m'apparaît autant comme un cadeau que comme un fardeau. Il faudrait pour le pouvoir parfaite omniscience de soi-même, parfaite connaissance de ses désirs, possibilités, erreurs passées, présentes, futures, il faudrait savoir ce qui est véritablement bon pour soi. Et comment l'éternelle indécise que je suis pourrait-elle y parvenir ? Et puis mes propres lois ?... comment pourrais-je avoir la prétention abominable de me qualifier comme étant trop spéciale pour avoir à me soumettre aux us et coutumes d'un "commun des mortels" dont je me désolidariserais ? N'est-on pas mieux à demeurer, rassuré et la conscience apaisée, rattaché à ce dernier ? 

Se souvenir de tout est un poison, l'omniscience parfaite le pire des fardeaux et ainsi l'humanité, pour y échapper, s'avère toutes propensions à l'oubli et au pardon d'elle-même. Assez triste constat, assez triste condition. Une part de nous archive nos souvenirs, méthodiquement, irrévocablement. Et nous allons mieux en tombant dans l'oubli, dans cette douceur ouateuse et délicieuse de l'oubli. Nous nous en portons mieux. Mieux, mieux, mieux, toujours mieux... On ne retient que les choses dont l'on juge qu'elles pourraient nous être bénéfiques ; et ainsi par-delà la douleur qu'ils suscitent en moi au premier abord, je retiens une chose de mes échecs : ma formidable capacité à me relever, jambes tremblantes, pour mettre au bout d'un moment et sans plus réfléchir davantage cette douleur de côté, pour l'isoler soigneusement cadenassée dans un coin perdu de mes pensées. Tellement bien cadenassée et cachée qu'elle échoue à y demeurer, plantée là dans mon cerveau, tellement bien cachée en effet qu'elle s'évapore au fil du temps qui passe et qui érode les fondations de sa raison d'être. Nous savons que nous oublions le mal qui nous est fait et que nous faisons mais au fond, en vérité, c'est ce que nous avons voulu. Et pourquoi ? Pour échapper à ce mal. Pour vivre.

samedi 20 juillet 2013

We are shining in the rising sun

Whatever I feel for you
You only seem to care about you
Is there any chance you could see me too?
‘Cause I love you,
Is there anything I could do
Just to get some attention from you?
In the waves I’ve lost every trace of you
Oh, where are you?

After all I drifted ashore
Through the stream of oceans
Whispers wasted in the sand

As we were dancing in the blue
I was synchronized with you
 But now the sound of love is out of tune

Whatever I feel for you
You only seem to care about you
Is there any chances you could see me too?




London summer '13 here I come

jeudi 18 juillet 2013

The end

“Because I know there are people who say all of these things don’t happen. And there are people who forget what it’s like to be sixteen when they turn seventeen. I know these will all be stories someday, and our pictures will become old photographs, and we’ll all become somebody’s mom or dad. But right now, these moments are not stories. This is happening. I am here. I can see it, this one moment when you know you’re not a sad story. You are alive.”

- The perks of being a wallflower

Ecrit le jeudi 6 juin 2013


J’ai terminé le lycée, hier midi. C’était un beau jour de printemps, assez comme je l’avais imaginé depuis des mois de cela, un jour ensoleillé, sec et chaud, mais à mille lieux de mes prédictions des semaines passées. J’avais en effet déjà maintes fois imaginé comment se déroulerait ce jour-là, à vrai dire je m’étais demandée comment tout ça se clôturerait : je me suis toujours vue finissant le lycée en un grand tourbillon de sentiments ; dans une de ces euphories mêlée d’une tristesse qui vous saisit à la gorge, au ventre, vous noue l’estomac – dans une tempête d’embrassades, de pleurs et de rires épars s’éparpillant dans l’air frais d’une fin de matinée de juin. Il était onze heures trente hier lorsque, dans le soulagement total, s’est achevé mon dernier cours, et, à l’instant où ma prof s’est tue, je n’ai pas ressenti grand-chose – ou plutôt si : je me suis sentie vidée de tout sentiment. Atone. Indifférente. J’ai idéalisé, je crois, ce qui en vérité n’avait pas vocation à l’être : une fin comme une autre, qui tend à accomplir l’ordre normal et naturel des choses.
La semaine qui vient de passer a chamboulé tous mes repères ; je dois avouer ici que je ne sais plus trop ni où j’en suis ni où je vais. Avant, l’avenir, la vie d’adulte, ces trucs-là, c’était un chemin lointain et sinueux, totalement étranger et aux embrumes pas particulièrement engageantes. Je ne me souviens n’y avoir pensé qu’à de rares moments de ma vie, lorsque j’ai dû faire des choix concrets, comme cette année, par exemple, sous la contrainte d’APB, du fameux, sous la contrainte de l’échéance ; lorsque j’ai dû choisir entre rester chez moi et tenter l’aventure solitaire dès septembre. Je me souviens m’être questionnée péniblement, sans trouver de grande réponse évidente, de celles qui se seraient imposées en un claquement de doigts ; je me souviens avoir peiné, fatigué… et abandonné mes chimères. Je me souviens avoir rêvé de voyages, avoir voulu partir, m’évader, m’octroyer une année sabbatique aux Etats-Unis, en Australie, à l’autre bout du monde ; aujourd’hui, pourtant, je retrousse mes manches et j’emprunte ce chemin sinueux le pas droit et conquérant. Au final j’ai rêvé plus raisonnablement, en effet, j’ai rêvé de Paris, de la ville lumière, de prestige, j’ai postulé en HK, et puis en droit, un peu partout, et puis j’ai passé mes concours, les ai eus, ou presque – j’ai été admissible dans une "grande école" dont je tairai le nom ; j’en ai passé l’oral vendredi dernier. Je ne sais pas trop comment ça s’est passé. J’ai le sentiment, dans le fond, d’avoir été réfléchie, d’avoir assez bien répondu aux questions qui m’ont été posées ; en revanche j’ignore quelle impression j’ai bien pu leur laisser de moi. Je m’en souviens, à 9h30, je suis ressortie de la salle le souffle court, retenant un cri de soulagement, et j’ai marché, marché, marché tout le long de cette rue de l’Université, jetant mes pensées en un coin reclus de mon cerveau, et j’ai poursuivi et terminé aux Halles, âme errante, insignifiante, dans le grondement continu de la foule.

"Arrête de penser. Arrête, putain."

Maintenant la machine est en marche, la mécanique enclenchée – je passe le bac dans dix jours. Je ne suis pas ce genre de personne qui s’attarde par toutes occasions en d’interminables bilans d’événements passés même si j’aimerais, en l’occurrence, avoir la force, le courage d’en tirer un maintenant. Comment résumer une année au cours de laquelle je confesse avoir si peu écrit, avoir abandonné ces pages-ci au profit de bien d’autres choses dont j’ignore s’il y aurait même un intérêt à les énumérer toutes ici ? Il me semble que la moi de juin 2013 est une parfaite inconnue pour celle de septembre 2012. Que me conseillerais-je, si je pouvais retourner dix mois auparavant dans le passé ? D’être forte, déjà. D’oser avancer. De moins me préoccuper de ce que pensent les autres. Cette année a certainement été l’une des plus intenses de ma scolarité, lune des meilleures ; l’une des plus éprouvantes, aussi, à quasi tous les niveaux, mais enfin et surtout la plus rapide. Aujourd’hui les mois me paraissent s’être envolés inexorablement, insidieusement ; la valeur du temps qui passe est ce dont je ne me suis rendue compte qu’à la toute fin. A l’aube de parachever symboliquement ce chapitre de ma vie je me retourne sur moi-même, et, à mon habitude, comme face à un miroir, démêle ce qui est un succès de ce qui ne l’a vraisemblablement pas été.

Et c’est difficile, justement, de trouver cette force-là – la force de regarder la vérité en face, de constater et d’apprendre de ses erreurs puisque cela revient, en somme, à se remettre en question soi-même, méthodiquement et douloureusement. C’est parfois une claque à l’ego, non, c’est même souvent une claque à l’ego ; alors on souffre, on enrage, éventuellement on guérit mais fondamentalement on en retire toujours quelque chose. Il y a bien sûr des choses, autres, que l’on aimerait pouvoir corriger ; on le voudrait de tout son cœur, mais peut-être, se dit-on, que si elles ne s’étaient pas déroulées telles quelles, alors on n’en serait pas arrivé où l’on se trouve à l’heure actuelle. Et ça, ça aurait été dommage, au final, de ne pas l’avoir vécu ainsi car j’ai l’impression intime qu’en vérité vouloir remuer le passé c’est renier le présent, c’est renier, même, la personne qu’on est devenu… la personne que je suis devenue.

jeudi 13 juin 2013


Je ne serai donc pas SDF à la rentrée prochaine. 

jeudi 23 mai 2013

Ce mercredi-là


Je me souviens d’eux, dans le bus ; sur les sièges du fond. L’une debout, l’autre assis. Même tête de consanguins, même vêtements super classieux, même ton de connivence entendue et d’accord implicite. Je m’en souviens ; j’étais là, à côté de lui, et, tête baissée et mains posées sur mes genoux, je les écoutais parler, le regard oscillant du pull en cachemire de la fille aux mocassins marrons de mon voisin. Je frôlais à ce moment-là ce monde bourgeois auquel je n’appartiendrai jamais, je touchais du doigt cette bulle dorée, celle qui d’ordinaire est censée faire rêver mais qui me laissait juste morne et dépourvue d’envie à son égard, et puis je rêvassais, en fait, comme si j’étais seule, comme si une paroi de verre se trouvait entre eux et moi et que leurs voix étouffées me parvenaient en décalé depuis l’autre côté. Ils disaient qu’ils se verraient cet été, qu’ils se retrouveraient dans leurs immenses propriétés respectives en Normandie et puis à Nîmes. Ils disaient à quel point ce serait génial, ils s’enthousiasmaient, la voix curieusement posée comme ils l’ont tous, évoquant leurs connaissances communes rencontrées lors de rallyes et de dîners mondains. Je n’existais plus, à ce moment-là. C’était étrange, je crois, mais j’ai surtout réalisé que pour eux, quels que soient mes efforts présents et quoi qu’ils deviennent à l’avenir, je ne méritais pas la moindre foutue considération et ne la mériterai jamais. Tout ce à quoi j’aurai droit, c’est à un mépris sourd et latent dissimulé derrière l’artifice plaisant de grands sourires hypocrites et condescendants. Alors je me suis demandé si je faisais les bons choix pour l’année prochaine, et tout en détournant le regard, j’ai augmenté le volume de ma musique jusqu’à m’en faire sauter les tympans.

samedi 23 mars 2013

Hold your breath and count to ten


Dans le fond, je suis quelqu’un de profondément instable. Colérique, lunatique, déconcertante mais paraît-il tout de même, pour relever le niveau, m’ont dit L. et  M. le jour dernier, "attachante malgré tout". La belle ironie. J’ai ri et en ai gardé la trace, ce matin-là ; la trace de ce sourire insolent qui, bien qu’aujourd’hui fugace, flotte encore sur mes lèvres colorées de rouge vermeil, ricanant volontiers de l’attribution à ma petite personne dudit adjectif. Je n’ai rien d’attachant, je suis chiante. L’hiver, je suis un ours en hibernation ; l’amorphe en moi prend le dessus et même ma belle verve, l’enfoirée, la seule qui me sauve, a cette année pris congé depuis janvier, période à laquelle j’ai par souci pratique commencé à m’éviter, à éviter tout face à face prolongé avec moi-même. Ecrire m’obligeant à l’introspection et la chose me donnant un tournis infernal, il me fallut choisir entre bien-être mental et lucidité douloureuse ;  et, comme vous l’aurez compris, j’ai choisi le premier, la solution de facilité : cesser de me poser des questions. Ainsi, si j’ai hésité à revenir ici, c’est par peur, une indicible peur de moi-même et de l’analyse que je pourrais tirer de mon examen de conscience – celui-ci n’est pas joli. Si j’en venais à toujours remettre en question mes actions, étant loin d’avoir de grands principes moraux, autant dire que je n’en serais peut-être pas fière.

Toutefois je change. En bien ou mal je ne saurais dire mais je me rends compte de quelque chose, parfois, le soir, allongée sur mon lit, le regard vague, tressant machinalement les pointes de mes cheveux en tresses fines. Le cerveau en ébullition je compare telle ou telle action à une autre de mon fait ; j’estime, je jauge, j’évalue ; et si des fois il m’arrive d’être fière, d’autres fois je ne peux que me rouler sur moi-même pour, à petits feux, mourir dans la honte – chose préférable à toute autre, si l’on veut.

Et dans tout ça il me reste trois mois de lycée. Malgré tous les profs nous rappelant à grand renfort de cris et autres prestations théâtrales l’échéance critique du "baccâââlauréat, bon sang !", je ne l’ai pas encore le moins du monde réalisé : dans ma tête j’ai l’impression que je resterai toujours quelque part l’idéaliste de mes dix-sept ans perpétuellement prête à refaire le monde. Mais en septembre je pars de chez moi. La vie adulte m’excite comme elle m’effraie et, je l’admets, me révulse un peu. Peut-être est-ce d’ailleurs pour ça que je laisse traîner en longueur les formalités administratives, des lettres de motivation aux bulletins à photocopier en passant par les formations à saisir sur APB sur lequel je me suis dès lors retrouvée mercredi soir, à 23h30, soit à une demi-heure de la clôture du site, découvrant mains moites que la bête ramait sec par intermittences. Tout en actualisant la page comme une forcenée, j’ajoutai diverses licences sur Paris pour finir, à 23h58, par supprimer tous ces ajouts de dernière minute. Car de toute façon, et c’est ce que je me suis dit à ces deux minutes et quelques secondes de l’échéance, il est inutile de mettre des vœux dans lesquels je n’irai jamais, par simple crainte du "et si je ne suis prise nulle part ?", inutile de monopoliser les places d’élèves qui souhaitent, eux, vraiment intégrer ces doubles-licences sélectives. Je n’ai donc laissé que les hypokhâgnes et les facs de droit, d’histoire et de LEA, et au diable la psycho, socio, les sciences politiques et économiques. Puis… sciences ÉCONOMIQUES, sérieusement ? Je me demande encore ce qu’il m’a pris.

Mais en fait fin mars, c’est déjà le début d’une longue aventure.